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4 février 2015 3 04 /02 /février /2015 17:31

Cher-e-s camarades,

Ce samedi, lors de notre conseil national, nous entrerons dans la première phase du congrès du Parti Socialiste celle des contributions générales et thématiques. Voici l'introduction de la contribution qui sera déposée par Un Monde d'Avance, complémentaire de celle du collectif " Vive la Gauche " à la rédaction de laquelle nous avons également largement participé.

Si tu souhaites signer cette contribution il suffit de le faire sur notre site :

http://www.unmondedavance.eu/2015/02/congres-ps-phase-des-contributions-signez-la-contribution-uma/

Amitiés socialistes

L'équipe d'animation D'Un Monde d'Avance

Quel contraste entre la difficulté d'être un militant socialiste sur le terrain et le besoin de gauche si éclatant que réclame l'état de la France !

Oui, reconnaissons-le, c'est parfois difficile de militer au nom du parti socialiste aujourd'hui. Sinon pourquoi serions-nous si peu nombreux? Cela doit-il nous décourager, nous faire changer de trottoir ? Assurément non. Mais à quoi bon un congrès, si nous ne regardons pas les problèmes en face, si nous ne les affrontons pas pour les résoudre et reprendre avec confiance le chemin de l'action militante collective?

C'est difficile d'abord, parce que notre action au gouvernement désarçonne. C'est difficile parce que le paysage politique donne parfois l'impression d'un grand dérèglement : une gauche qui s'aventure à droite, une droite qui se sent bien à l'extrême droite et une extrêmedroite qui réclame plus d'Etat et de protection sociale et agrège les classes populaires. C'est comme si les choses n'étaient plus tout à fait leur place.

C'est difficile ensuite, parce que cette politique nous divise et l'expression publique de ces divisions écoeure davantage nos électeurs. Mais ne confondons pas les causes et les conséquences. L'expression de désaccords entre socialistes au sein du gouvernement ou du parlement est la conséquence d'une politique, au même titre que l'abstention des électeurs de gauche aux élections municipales et européennes. " La responsabilité c'est l'unité " entend-on. Encore faut-il éviter de provoquer la division de son propre camp par des déclarations ou des décisions éloignées de nos convictions communes pour ensuite exiger l'unité au nom du péril du Front National qui menace. Le Front National ne monte pas en raison des divisions des socialistes. Il monte en raison des échecs de nos politiques.

C'est difficile aussi, parce que nous ne portons pas nous même, politiquement et collectivement, les conquêtes indiscutables des trois premières années du quinquennat Hollande, comme si celles-ci étaient honteuses, placées au second plan de la sacro sainte lutte contre les déficits publics. La refondation de l'école de la République, les lois sur l'économie sociale et solidaire, la transition énergétique, le logement, la consommation ou le décret de protection de nos industries stratégiques, ont réarmé notre économie et créé des droits nouveaux dans la vie quotidienne des français. Mais voilà que ces conquêtes sont aujourd'hui remises en cause par nous-mêmes la plupart du temps, en raison de la rigueur budgétaire qui s'impose ou des exigences de Bruxelles en matière de libéralisation de notre modèle social. Nous fragilisons ce que nous avons-nous-mêmes bâti.

C'est difficile enfin parce que les valeurs de nos compatriotes semblent les rallier naturellement aux discours d'ordre, d'autorité et de sévérité et de moins en moins aux discours de solidarité et de progrès social. La société apparait plus égoïste, individualiste, réactionnaire et plus hostile qu'auparavant à nos idéaux d'égalité. Quand, en outre, dans nos propres rangs, on va chercher un peu de popularité en ridiculisant les valeurs passéistes du socialisme, on fragilise davantage le travail militant collectif. Vanter en Chine les possibilités de licencier en France pour attirer quelques investisseurs supplémentaires sonne comme une soumission inacceptable à la course mondiale au moins disant social que l'on croyait jusqu'ici réservé à nos adversaires politiques.

Et pourtant...

Et pourtant, jamais il n'a été aussi évident d'être de gauche. La crise financière dont les économies européennes ne se sont toujours pas relevées était une invitation à libérer l'économie mondiale de la tyrannie de court terme des marchés. Cette crise appelait à repenser notre modèle de développement, tant au niveau de l'entreprise, en favorisant l'investissement plutôt que les dividendes, qu'au niveau macro économique par une lutte sans merci contre le dumping fiscal l'évasion et la fraude fiscale.

Et pourtant, voilà aujourd'hui les Etats sommés de se désendetter sans délai, au mépris des investissements indispensables en matière de protection de l'environnement ou d'éducation. Et pourtant, voilà l'Etat à nouveau accusé " d'empêcheur de s'enrichir tranquille " et le travail se réduit à une charge pour les entreprises. Les Etats, si prompts à sauver le système financier, sont désormais astreints à une cure drastique d'amaigrissement pour libérer l'initiative et la croissance. Quels sont les résultats de ces politiques d'austérité, de rigueur, de sérieux budgétaire et de libéralisation ? La dette n'a pas diminué mais bondi. Le chômage a explosé. La zone euro est entrée en déflation. Et jamais les inégalités économiques et sociales n'ont été aussi fortes. La crise financière appelait l'irruption de la démocratie et de l'intérêt général dans l'économie mondiale. Nous nous découvrons hélas, 7 ans après le début de la crise, encore moins souverains que nous ne l'étions avant la chute de " Lehman Brothers ".

Jamais la gauche n'a été aussi nécessaire...

Face à l'augmentation de la pauvreté, des inégalités, des discriminations et de la relégation sociale, le besoin de gauche s'impose. Le diagnostic ne fait pas débat entre nous. La République est mise en danger par l'augmentation insoutenable des inégalités. Le Premier Ministre, dans une déclaration discutable mais dont le mérite est de réveiller les consciences,a été jusqu'à considérer que 30 ans de politiques publiques avaient échoué à empêcher la création d'un véritable apartheid français. Si apartheid il y a, seules des politiques vigoureuses et constantes de lutte contre les inégalités économiques, sociales et culturelles peuvent restaurer la cohésion sociale et la confiance dans les institutions de la République.

Qu'avons-nous fait de la République? Il faut commencer par arrêter de nous payer de mots,sauf à prendre le risque d'une catastrophe démocratique. En France, l'instrument par lequel la promesse républicaine d'égalité se réalise, c'est l'Etat. Il était illusoire de penser sans conséquences, la réduction des moyens directs de l'Etat ou des moyens délégués aux collectivités locales ou aux acteurs associatifs. Moins d'Etat, c'est moins d'égalité donc moins de République. Moins d'état, c'est aussi souvent moins de droits et donc moins de liberté de décider et une nouvelle fois moins de République. En France, dans ce vieil Etat égalitaire, protestataire mais républicain, on ne démantèle pas l'Etat ni son modèle social impunément. Nous en subissons durement les conséquences, mais il est toujours temps de se ressaisir.

Le 11 janvier, les français ont rappelé leur attachement viscéral à une République vivante, une République présente, une République tangible.

Il est des moments rares où une nation se retrouve autour de l'essentiel : pour se rappeler à soi et rappeler au monde les principes qui relient chaque citoyen à tous les autres. Les meurtres perpétrés contre des journalistes, des policiers et des citoyens juifs ont provoqué une catharsis républicaine inattendue et même inespérée. Les cibles choisies par les terroristes ne faisaient pas de doute sur l'objectif politique qu'ils poursuivent : diviser les français pour abattre la République. Au lendemain des attentats, les refus de se soumettre à la minute de silence, les manifestations de sympathie à l'égard des assassins sont venues accroitre ce mélange de consternation et d'indignation créé par les meurtres commis à Paris, Montrouge et Vincennes. La France a redécouvert à cette occasion l'ampleur du ressentiment qui existe dans la jeunesse à l'endroit de ce qui incarne l'autorité et le pouvoir : l'Etat, ses institutions, la République.

Aux attentats le gouvernement a répondu par la sévérité et l'autorité. Il a eu raison, il fallait rappeler à ceux qui parient sur la faiblesse des démocraties occidentales la force de la République française quand elle est assaillie. Mais la réponse ne saurait s'arrêter là. Faire l'expérience de la République, ça ne peut se réduire à la double expérience de l'ordre et de la sanction. Il faut que les citoyens français fassent davantage l'expérience de la justice et de la promotion sociale.

Restaurer la flamme républicaine ne peut se limiter au rappel mobilisateur de ses valeurs, à l'exaltation de ses principes et aux retrouvailles collectives autour de ses rites. L'émotion suscitée par les événements de janvier, belle et mobilisatrice, ne peut nous détourner d'un constat lucide : les politiques économiques menées en France et en Europe sous le sceau de l'austérité et du démantèlement de l'Etat-providence sont un échec flagrant. Sans doute est-ce encore trop tôt pour en tirer en France des conclusions définitives, mais à l'échelle de l'Europe et à la lumière des récentes élections en Grèce, chacun peut constater que ces politiques se heurtent naturellement à l'exaspération des peuples qui l'expriment (encore) par la voie démocratique.

Dès lors, c'est la politique toute entière qui doit être interrogée. Le lien de confiance entre les citoyens et leurs gouvernants ne peut pas être durablement affaibli. Le sentiment que le vote est inutile et que l'essentiel se décide ailleurs que dans nos institutions démocratiques ne peut pas s'installer. Qui décide? Qui décide vraiment? Que vaut réellement mon vote? De quel poids pèse-t-il quand ceux que j'élis concèdent eux-mêmes ne détenir qu'une fraction marginale du pouvoir. Quelle utilité a mon suffrage quand droite et gauche semblent s'accorder sur une seule et même politique économique ? L'essor des théories complotistesest un des symptômes contemporains les plus nauséabonds de l'expression par nos compatriotes d'une perte de contrôle de leur vie et de celle de la nation. Confrontés à l'exercice du pouvoir, nous sommes naturellement contraints de tenir compte de la réalité. Aunom de celle-ci, on explique petites inflexions et renoncements purs et simples qui alimentent la chronique des différences entre les 60 engagements de François Hollande et la politique conduite depuis mai 2012. Mais qui peut sérieusement faire le procès à un dirigeant d'adapter ses réponses à la réalité, aux rapports de forces existants, aux moyens disponibles? Personne, sauf à se désintéresser des changements réels et à se complaire dans les postures et l'incantation. Seulement, le réalisme ce n'est pas non plus l'obéissance au monde tel qu'il est. Le réalisme, ce n'est pas la soumission aux axiomes de l'adversaire. Le réalisme ce n'est pas de chercher récompenses et satisfecit de ceux qui ont juré la perte des conquêtes socialesdont nous sommes à la fois les héritiers et les responsables. Cette résignation ne nous sera pas pardonnée. Personne ne nous demande de raser gratis. Nos compatriotes sont conscients des efforts à accomplir pour améliorer la situation économique de la France. Mais leur lucidité appelle de notre part exemplarité et volonté et pas résignation et soumission. Il faut tenter la gauche. Le spectacle de l'impuissance politique ne peut tenir lieu de projet.

Or, c'est bien ce qui nous guette derrière la convocation en grande pompe de la symbolique républicaine. Tout à coup, on semble redécouvrir les vertus de l'éducation civique, de la discipline à l'école, de la rigueur laïque... Tout ceci est bel et bon, mais encore faudrait-il ne pas s'en contenter et ne pas agir à l'inverse des professions de foi.

La vérité de notre société aujourd'hui est qu'au-delà des incantations de circonstance, il y a de plus en plus de Français, pas seulement dans les banlieues, qui côtoient sans les vivre les puissants et intimidants symboles de la République: liberté, égalité, fraternité, laïcité.

Hélas, la République n'est plus un système de prescriptions éthiques qui donne à chaque citoyen des clés, des repères pour se comporter agir, être, entre eux et envers ce qui les entoure. ll y a ceux qui ont connu un modèle social qui protégeait et qui émancipait, mais qui ne le reconnaissent plus. Et il y a ceux qui ne l'ont jamais connu au-delà d'une école affaiblie et peu sûre d'elle, laissant chacun face à lui-même.

Que vaut la fraternité dans une société où le racisme, l'antisémitisme, le sexisme et la ségrégation progressent, les français étant tour à tour victimes ou bourreaux ? Que vaut l'égalité dans une République qui " s'honore " d'avoir l'école la plus inégalitaire de toute l'OCDE? Que vaut la liberté quand le droit à l'éducation ou à la santé régresse et empêchedes français de maitriser véritablement leur vie? Peut-on à la fois annoncer un retour de l'Etat dans des quartiers abandonnés de longue date par les services publics, et affaiblir les moyens des politiques publiques, à commencer par celles des collectivités locales ? Peut-on dans un même élan invoquer l'ordre social, sans agir concrètement pour le progrès social ?

Sauf à mettre la poussière sous le lit, c'est de ce déni qu'il faut sortir. Ils sont des millions de français à faire l'expérience répétée de l'inégalité, de la discrimination, de la relégation, et l'expérience trop rare de la République. La République ne propose plus d'imaginaire concurrentiel aux idéologies qui l'assaillent, qu'elles viennent de l'extrême droite ou de l'islamisme radical. A la question éthique de savoir ce qui est une forme désirable de vie, sommes-nous dans notre rôle en encourageant la jeunesse française à vouloir être milliardaire? Est-ce là le seul imaginaire, la seule espérance que nous ayons à offrir ?

De la République qui me garantit des droits à la société qui ne doit pas contrarier mes désirs, la France migre sûrement vers un modèle d'inspiration libérale en contradiction avec les ressorts historiques profonds de notre nation. Et c'est ainsi par exemple que l'on franchit sans s'en rendre compte une frontière théorique cruciale, en abandonnant le principe du droit au repos dominical au profit de la liberté individuelle de travailler le dimanche. Historiquement,la gauche française s'est battue pour libérer du temps et réduire la durée du travail. Désormais, elle milite pour le " droit " individuel de travailler là où elle avait auparavant conquis le droit collectif de se reposer et de se retrouver. C'est exactement le même raisonnement qui a conduit les britanniques à créer un contrat de travail où le salarié peut exercer son " droit ", sa " liberté " à renoncer à ses droits.

Ces changements n'ont rien de seulement sémantiques. Ils illustrent la prise de pouvoir d'une approche libérale et consumériste de l'avenir de la France. Au fond, c'est une vision pessimiste de l'avenir qui a pris le pouvoir, une vision qui, si elle semble inviter chacun à prendre sa place à la table de la mondialisation, valide dans les faits le primat de la loi du plus fort, du mieux né, du mieux loti, du mieux doté. " A 20 ans, je n'avais déjà plus que du passé ", disait Céline. C'est contre ce sombre dessein que la République doit se régénérer.

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